vendredi 29 novembre 2013

« L’écriture, c’est l’inconnu. Avant d’écrire on ne sait rien de ce qu’on va écrire. Et en toute lucidité. »

"Ecrire, c'est l'inconnu qu'on porte en soi."
 (Marguerite Duras, Ecrire)


J'ai choisi de donner l'occasion aux élèves de première L2, dans un cours de novembre, de goûter un peu au rythme, aux silences, aux mots de Marguerite Duras, à travers la lecture du début du Vice-Consul. Je vous propose de rencontrer cet écrivain, en grappillant, à votre convenance, des enregistrements audio ou vidéo qui nous permettent de retrouver le visage, la voix, le regard de cet auteur. Et surtout : de réactualiser, de vive voix, l’un de ses textes. 



Il y a d’abord, donc, un extrait audio d’Ecrire, le texte que Duras a rédigé en 1993, dans lequel elle se confie sur ce qu’elle a de plus intime, de viscéral : son rapport à l’écriture. Il est lu avec sobriété et force par la comédienne Audrey Bonnet.
Au cours de cette émission, la jeune femme discute avec Marie Richeux (l'animatrice de l'émission) des raisons de son attachement à cette façon qu’a Duras de définir la création. Librement, elle en vient à parler de son art (le théâtre), mais aussi la création en général et même : la vie de l'homme, dans son corps, ses luttes. C’est très riche (et pas long du tout : 9 minutes...)
voici le lien, donc : sur France Culture, dans une émission intitulée  « Je déballe ma bibliothèque », de 2012 : Extrait audio d'Ecrire, de M. Duras


Il y a ensuite deux archives de l’INA dont nous avons vu une partie en cours : mais  même les courts extraits gratuits, de présentation, suffiront à vous restituer la présence, les silences de cette grande dame de la littérature :
Il y a, pour se mettre dans l'atmosphère du Vice-Consul, la musique créée par Carlos D'Alessio, pour le film India Song, que réalisera Duras à partir de la pièce de théâtre du même nom, et qui clôt le cycle indien de l'auteur ... C'est cette fameuse musique qui est au cœur du livre, qui hante le Vice-consul. Vous pouvez l'écouter ici : Carlos d'Alessio, India Song


 Et pour ceux qui voudraient poursuivre l'aventure, je signale également : 
  • l'existence du texte Ecrire en collection folio (Gallimard) ...
  • la parution, il y a un peu plus d'une semaine, d'un très beau livre sur l'auteur, aux éditions Flammarion (photos, reproduction de pages de ses manuscrits, textes annotés, et bien sûr, texte biographique de Laure Adler et Delphine Poplin) :  DurasVous trouverez les références de cette biographie (qui vaut notamment par la richesse de ses images d'archives, Laure Adler ayant, par ailleurs, déjà publié une biographie importante sur l'écrivain, il y a quelques années) sur le site de l'éditeur : biographie de Duras, Flammarion

Voilà. 
Les grands auteurs ont la voix toujours vive : la nôtre, chaque fois que nous les lisons.

(B.H.)

dimanche 24 novembre 2013

"Chaque jour je me construis totalement, puis me détruis..."

Perturbation, au théâtre L'apostrophe de Pontoise 
22 novembre 2013
Texte de Thomas Bernhard, adaptation de Krystian Lupa.


Adaptée d’un roman du célèbre Thomas Bernhard par Krystian Lupa, Perturbation est une pièce au jeu sublime et au texte littéralement génial.
On hésite dans cette pièce. On hésite entre sciences et littérature, entre folie et lucidité. Le sujet, si l’on veut en trouver un, est sans doute la condition humaine. Mais c’est surtout des éclats humains que l’on retient : de la musique avant toute chose, et puis une analyse du cerveau humain, des idées en suspension, des sentiments tabous tels que la cruauté, la jalousie, l’amour trop fort.
C’est l’histoire d’un médecin qui laisse son fils, étudiant, adolescent en construction, assister pour la première fois à ses visites quotidiennes. Immersion totale dans la vie de patients peu communs, la maladie, le désespoir, la mort sont au rendez-vous. Un certain apaisement se dégage parfois de personnages qui se pensent en voie de guérison, quelle qu’elle soit. D’autres suggèrent la terreur de se rendre compte à quel point l’on va mal. Les regards portés sur ces hommes et ces femmes que  seuls quelques lambeaux de passion raccrochent à la vie sont parfois tendres, parfois cruels.
Une des scènes les plus touchantes est celle d’une grande sœur, dont le frère est gravement atteint mentalement ; longtemps enfermé dans « la cage », comme elle le répète incessamment, il est couché, à proximité d’un violoncelle dont il ne peut plus jouer, dont il ne peut plus vivre. Peut-être, au cours de cette scène, on peut verser une larme, mais rapidement ; succédant à de longs moments de silence entre l’Homme et lui-même, certaines scènes, violentes ou bien trop pleines de sens nous retiennent à bord. C’est ainsi que pendant plus de quatre heures, nous nous sentons impliqués, comme les étranges témoins d’une réalité dont nous ne parlons pas, mais à laquelle nous pensons, et qui quelque part nous fascine.  

« Mais il arrive que les gens trouvent, alors que moi j’éclate de rire, qu’il n’y a absolument pas de quoi rire ! ». Cette phrase décrit l’humour, tantôt pesant, tantôt léger de Perturbation ; et pour cause, ce n’est nul autre que son auteur qui l’a dite ! Cet humour à double tranchant, c’est sans doute le personnage du Prince qui le reflète le mieux : son apparition débute par une phrase ; une phrase de dix minutes, sans interruption. Par le biais de mots savants, inventés ou bien familiers, il nous décrit, comme tous les autres, une folie, à la différence près que cette folie, il ne la ressent pas, il ne la perçoit pas, et pourtant il la fabrique.  Mais si son personnage est particulièrement important, c’est aussi parce qu’il nous transmet un aspect de la pièce qui n’apparaît qu’à la fin. Subtilement, il entre en contact avec le spectateur, lui adresse un mot, puis deux, puis une réflexion entière, en l’occurrence une réflexion sur le théâtre. L’auteur nous apparaît alors, au travers de quelques rires dans le public, au moment où, justement, il ne faudrait pas rire.

"Les maladies sont le plus court chemin de l'homme pour arriver à soi"

Dans la construction de la pièce, quelques voix off, quelques perspectives scéniques marquent le début, puis s’essoufflent. Finalement, nous restons sur le propos et le jeu époustouflant des comédiens, sur cette folie à laquelle on s’attache, dans laquelle on s’oublie, le temps d’une pièce. On retient quelques noms, et le visage du fils, et l’expression du père, le père qui constitue tout au long de la pièce le témoin, le confident, le récepteur de sentiments déchiquetés, de philosophies troublantes ou d’incompréhensions fascinantes.
La question de l’Homme se trouve sans cesse retournée, déchiffrée, presque torturée, mais finalement sans but précis, si ce n’est de nous montrer une version dénudée de la réalité.
Prodigieusement perturbant.

(Emilie Ch.)

samedi 23 novembre 2013

Et si on parlait d'un Peplum du futur ?

Une lecture de Peplum, roman d'Amélie Nothomb

Vous connaissez sûrement Stupeur et Tremblement d'Amélie Nothomb, grande auteure contemporaine, mais connaissez-vous d'autres de ses œuvres ? Je vais vous parler de Peplum, écrit en 1996. Même si certains pensent que ce n’est pas son meilleur, je le trouve très bien fichu, moi, ce petit roman d’anticipation, et l’immodestie de son auteure ne me gêne pas, je trouve que c’est un jeu qui fait partie du personnage (puisque, comme dans d’autres de ces livres, elle se met en scène dans l’histoire).

Synopsis : Amélie Nothomb s'endort lors d'une opération médicale. A son réveil, elle rencontre alors Celsius, un scientifique énigmatique qui lui explique qu’entre son opération et son réveil, 585 années se sont déroulées ; nous sommes donc en 2580. On assiste alors à un dialogue entre Celsius et Amélie sur les événements qui se sont produits depuis 1995.

Particularité de ce livre : ce qui surprend, dès la première page, c’est que c'est un livre entièrement rédigé en dialogues, quelquefois entrecoupés de très rares phrases narratives. Les personnages ne sont pas indiqués au début d'une réplique comme dans une pièce de théâtre, ce qui m'a perdue plusieurs fois dans le livre (ou mieux : au cours de ma lecture ?). Au fil de l'histoire, on apprend à connaître les deux personnages et l'identification devient plus facile. Ensuite, je dirais que ce livre est un concentré de réflexions sur l'éventualité du futur. Amélie et Celsius traitent de sujets divers tels que la politique, la littérature, la chaîne alimentaire animalière, ou même les produits laitiers d'une façon très sérieuse, mais toujours dans le sarcasme si caractéristique à Amélie Nothomb.

Mon avis : Je trouve ce livre très intéressant, Amélie Nothomb a une façon de parler de la fatalité avec un comique déconcertant, les petites querelles des personnages m'ont fait sourire et m'ont emmenée sans m'en rendre compte sur des sujets auxquels jamais je n’aurais pensé seule (comme la loi du temps et ses propriétés). Elle nous propose sa version de l'humanité future, à une époque où régnera l'intelligence et l’ego de soi, une sorte de régression où les faibles sont littéralement écrasés par les plus forts. Le rythme très rapide qui jamais ne s'arrête est poignant et rend facile la lecture. Je vous recommande donc  fortement ce petit livre qui est un concentré d'humour et d'hypothèses toujours plus farfelues, qui, à mon goût, devrait être plus connu !

(Coline)





dimanche 17 novembre 2013

Caubet nous livre son OEDIPE : bilan contrasté

Oedipe roi.
On ne connaît que trop ce nom et cette histoire. Cet homme qui tua son père et épousa sa mère, à qui il fit des enfants... 
On m'en avait très souvent parlé, en bien. Je m'amusais intérieurement en observant les réactions des novices du théâtre antique en classe : ces "Oh !" et ces "Ha !" d'étonnement qui rythmaient les paroles du professeur décrivant le destin de cet homme maudit. Œdipe n'en finit pas de découvrir son parricide et son inceste sous les yeux stupéfaits des élèves.
Une véritable enquête policière menée en deux heures, sans temps mort. Moi-même, cet été, lorsque j'ai pris la décision de lire la pièce de Sophocle, j'ai été ébahi par la beauté du texte et les faits horribles qu'il relatait.
C'est donc avec enthousiasme que je me suis rendu à L'Apostrophe (théâtre de Pontoise), pour y voir la création que livrait Antoine Caubet de la pièce, dans sa propre traduction. ( Il joue également : il incarne Créon ). Mais j'en suis sorti profondément sceptique. Je savais que j'avais assisté à un spectacle fondamentalement bon, mais certains choix de jeu et de direction m'ont laissé de marbre. 
Ce qui m'a déplu, presque choqué tout d'abord, c'est l'utilisation d'un objet anti-théâtral par excellence : le micro ! Dans une pièce qui se veut un absolu de théâtre, comment peut-on laisser un artifice pareil s'immiscer sur scène? Pourtant, je le reconnais, le choix de Caubet n'est pas gratuit. Il me semble transposer de manière actuelle ( et juste ) les "entr'actes" du Chœur antique, récapitulant ce qui vient de se passer dans la scène précédente.  Mais ce choix crée un trop grand contraste avec le reste, qui se veut intimiste et sobre. Surtout que les deux comédiennes tenant ( entre autres ) le rôle du Chœur, se mettaient à ces moments-là, à gesticuler comme deux sorcières en transe... Dommage, vraiment. Car leurs gesticulations et voix fluctuantes dénaturaient le texte, voire le rendaient incompréhensible et, horreur, suscitait presque le rire, en pleine tragédie. 

Reconnaissons-le : la mise en scène de Caubet se veut sincèrement respectueuse des représentations antiques ( la nouvelle traduction aussi ), dès le début, on nous le dit  par une ouverture qui joue le jeu, en pleine lumière, à vue : on ne sait pas grand chose de comment s'effectuait les premières représentations, mais ce que l'on sait, on l'a respecté. 
C’est ce qu’une comédienne explique, alors que les spectateurs sont tout juste installés dans la salle, que la lumière n’est pas encore éteinte. On entre progressivement dans le temps de l’histoire. Le décor est en bois. Il y a des échafaudages, des escaliers et ce qui ressemble non pas à un amphithéâtre mais à la continuité de la salle où nous sommes assis, nous autres spectateurs. Les comédiens s'adressaient à nous, non pas en hurlant mais en parlant. Parfois, ils murmuraient. Je pense notamment à la scène où Tirésias confie à Oedipe que le coupable qu'il cherche n'est autre que lui-même.  Les longs silences, le regard ailleurs, l'élocution murmurante du comédien étaient d'une grande justesse. 
Quant aux comédiens, leur jeu était des plus contrasté. Pour moi, Oedipe était honnête, sans plus. A l'instar du Chœur, son jeu hyper-souligné parfois, notamment à la fin – ses excès de colère puis de joie sonnaient parfois faux - rompait l’illusion, le charme qu’il réussissait à créer par moments. Jocaste décontenançait, son jeu gâché par sa voix de fumeuse... Ce n'est pas tant la distribution qui n'allait pas que les consignes de jeu voulues par Caubet, trop contrastées à mon goût. Son interprétation de Créon était convaincante. Mais la petitesse de son rôle comparée à l'ampleur musicale de sa voix créait un contraste de plus.  
Enfin, le point très positif : l'éclairage. Les corps étaient mis en valeur, les visages torturés par le doute et la peur de l'inimaginable, de l'inconcevable étaient éclairés brutalement ( lumières nues, par en dessous ou sur le côté, effets de volume ), mais ils n'en ressortaient que plus humains ( tout particulièrement dans le monologue de fin d'Oedipe ). 
  Le spectacle était donc appréciable, mais trop contrasté pour être inoubliable, à mes yeux du moins.
Pour ceux qui sont intéressés, le spectacle se joue jusqu'au 15 décembre au Théâtre de l'Aquarium à Paris.
Cliquez ici pour plus d'infos:  OEDIPE-ROI à l'Aquarium

(Louis).

 

vendredi 15 novembre 2013

Le livre : un voyage, un monde, une vie

Lire est un acte vivant et responsable.
Le livre nous emporte, et parfois même très loin, vers de nouveaux horizons, des dépaysements salutaires. Un monde naît au fur et à mesure qu'on progresse dans sa lecture.
Le livre nous défie parfois : quand il se rebelle, ne s'offre pas facilement et demande un effort.
Il nous transforme, toujours.

Voici une façon originale de le dire : Going West, le livre vivant
(ou consultable sur le site d'origine, mais on ne parvient pas toujours à activer le plein écran : Going West, site Bookcouncil)
Going West est un court film d'animation, créé par Andersen M Studio, au profit du NZ Book Council, une association promouvant la lecture, en Nouvelle-Zélande.
Maurice Gee, dont on dit un extrait du livre Going West, au cours de cette animation, est lui-même un écrivain néo-zélandais reconnu.

bon voyage...

(B.H.)


mercredi 13 novembre 2013

Un auteur fantastique qui ressurgit de l'ombre

Stephen King fait son grand retour, avec Docteur Sleep, une suite qu'il offre, 35 ans plus tard, à son très fameux The Shining...  
Cette œuvre, dont on oublie souvent qu'elle fut un roman avant d'être le film inoubliable de Stanley Kubrick (1980), racontait les déboires d'un écrivain raté sombrant dans la folie. Si vous avez frissonné en suivant Jack Torrance (incarné par Jack Nicholson) dans ses déambulations dangereuses au cœur d'un hôtel désespérément immense, désert, perdu dans les montagnes, vous aurez envie de savoir ce qu'est devenu le petit Danny, son fils, une fois devenu grand...

Pour sa première venue en France sur les plateaux télé, Stephen King a choisi l'émission littéraire La Grande Librairie, pour se livrer un peu sur sa façon d'écrire, sur ses goûts littéraires, sur ses œuvres. Il sera l'invité exceptionnel de François Busnel jeudi prochain (14 novembre, 20h40, France 5).
Alors si vous voulez entendre et voir un maître incontesté en l'art de manipuler le lecteur, ne manquez pas l'émission !

(B.H.)