lundi 21 juillet 2014

"Lascia ogni speranza voi ch'entrate

..." *

Quand la poésie met le fantastique à la question ...


L'horreur me fascine.


Au début de l'année scolaire, je cherchais un livre capable d'assouvir ma soif d'horreur. Je ne voulais pas de l'horreur gratuite, de celle qui
fait étalage de tripes et autres confiseries morbides, de celle qui cherche à produire des sensations fortes, aussi vaines que rapides. Je ne voulais pas consommer du sang, je ne cherchais pas la vulgarité livide de l'horreur facile.



Je voulais trouver un livre à l'horreur littéraire, qui puisse me tenir par mon incompréhension. Car l'incompréhension est la source suprême de toute forme d'horreur.
 J'ai finalement trouvé un livre mystérieux, qui m'interpellait assez étrangement, comme une sorte d'appel primitif, un instinct. Il s'agit de La Dame n°13 de José Carlos Somoza.



Le départ est simple : un homme au chômage, anciennement professeur de littérature et poète, fait le même rêve depuis quelque temps, un cauchemar à dire vrai. Il assiste, passif, à une série de meurtres abominables, dans une maison bourgeoise. Ce rêve l'obsède et le dérange, jusqu'au jour où il découvre qu'il a effectivement eu lieu. Il décide de se rendre à l'emplacement du crime et fait la rencontre d'une clandestine Hongroise devenue prostituée. Ils s'échangent leurs rêves, réalisent qu’ils sont identiques et décident d'explorer cet endroit presque familier. Là débute l'histoire terrible de deux personnages en quête de réponses. Ils finiront par découvrir une secte datant de l'aube de l'humanité, la secte des "dames" : des muses.



Ce roman est envoûtant. On part du fantastique pour arriver au thriller psychologique. Mais tout du long, l'auteur garde un souffle étonnamment littéraire, porté par l'idée démentielle que la poésie est la plus raffinée des armes de torture. On n’en attendait pas moins de la part d'un auteur psychiatre ! L'originalité déconcerte le lecteur, il se sent manipulé et par moment étouffe face à la description troublante, subjuguante même de sévices monstrueux. Car le roman est parfois très cru, à la limite du soutenable. Mais jamais il ne tombe dans la gratuité ou le gore superflu : "tout est calculé".




Ce qui fait la beauté du livre, en plus de sa résolue maîtrise narrative et psychologique (peut-être un peu altérée par ce foisonnement de réponses aux énigmes), c'est l'hommage tangible à la poésie et, plus encore, à la poésie lue. Un hymne à la "formule qui perle". S'ajoute à cela une réflexion sous-jacente sur la notion de hiérarchie, qui berce tout le livre et qui interroge d'autant plus. On reprochera cependant l'accéléré final du temps narratif, qui enlève la beauté de la tension. Mais l'œuvre de Somoza reste admirable et terriblement marquante.

(*) La citation ("Vous qui entrez, abandonnez tout espoir...") est empruntée  à Dante par Somoza, et résonne, tout au long du livre, comme un pacte avec le lecteur.

(Louis A.)